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Paysages Bretons : photographies, portraits de Breton(ne)s, littérature et multimédia

Nathalie de Broc : la passion des mots

10 Août 2007 , Rédigé par Xtof Publié dans #Ils font l'actualité... parfois dans leur coin

 

Nathalie de Broc a le plus grand respect pour l'histoire et les livres. C'est tout naturellement que cette journaliste de radio et de télévision installée depuis une dizaine d'années à Quimper s'est frottée à l'écriture de romans. Elle vient de publier « la tresse de Jeanne », sur la quête de l'identité et les Johnnies de Roscoff.

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Ancienne présentatrice du journal de RFO, Nathalie de Broc a exercé à partir de 1984 à France Inter avant d'intégrer France 3 Ouest il y a dix ans. Dans la maison ronde, la journaliste (qui est cousine germaine de Bertrand de Broc) travaillait au service des sports. « Je m'occupais de la voile, raconte-t-elle. Je ne suis pas spécialement sportive, mais j'aimais bien car c'est le domaine où on voyage le plus. Il y a toujours une course à l'autre bout de la terre ». Nathalie de Broc entend encore son chef, Pierre Loctin (décédé en 1994) lui demander quand elle commencerait à écrire des histoires. « Il trouvait mes papiers très travaillés pour du sport. C'était très littéraire et ça faisait un drôle d'effet ! »

Quelques années plus tard, c'est Jean Failler, le père de l'héroïne de polar Mary Lester, qui confortera Nathalie de Broc dans ses projets de romans. Ils se croisent une première fois au salon du livre maritime de Concarneau, à l'occasion d'un reportage pour la télévision. « Après bien des hésitations, se souvient Jean Failler, Nathalie m'a fait entrer dans son jardin secret et j'y ai découvert une écriture séduisante et élégante. J'ai tout de suite pensé que cette jeune femme avait en main tous les ingrédients pour produire d'excellents romans : le style, et l'imagination nourrie par le vécu, ainsi qu'une culture, et un art de vivre raffiné ». Nathalie de Broc se rappelle qu'à l'âge de six ans, quand ses copines jouaient avec leurs poupées, elle couchait sur le papier ses propres histoires avec ses mots à elle. « Je faisais des dessins et des gribouillages et je pliais les feuilles pour en faire des livres ». Un rêve de petite fille...

Carnet dans la poche, dictaphone dans la voiture, Nathalie de Broc est toujours à l'affût de ce que disent les gens. Le fait qu'elle soit journaliste lui ouvre certaines portes et l'aide à vaincre sa timidité face à certaines personnes. Pour nourrir son inspiration, elle lit aussi beaucoup de biographies. En ce moment, elle s'intéresse à Stephan Zweig, auteur dans les années 30 des portraits de Marie-Antoinette, de Marie Stuart et de Magellan.

Son premier roman, « le patriarche du Bélon » est paru il y a trois ans aux Presses de la Cité. « J'avais envoyé un synopsis de deux pages, se souvient-elle. J'ai eu beaucoup de chance car il a été accepté 48 heures plus tard ». En 2005 sort « la dame des forges », et au printemps dernier, « la tresse de Jeanne ». Ce livre est un hommage aux Johnnies, ces habitants de la région de Roscoff qui vont, encore aujourd'hui, vendre leurs oignons rosés en Angleterre. « Les oignons de Roscoff sont irremplaçables, martèle Nathalie de Broc. Ils ne pourrissent pas, et ils ont ce petit goût sucré que n'ont pas leurs homologues anglais par exemple. Quand j'ai dit que j'écrivais un livre sur les Johnnies, en Angleterre on m'a dit : on les connaît ! Là-bas, ils font partie de l'inconscient collectif et chaque famille a eu au moins une fois, affaire à un Johnny ».

Nathalie de Broc s'est mise en quête pour chacun de ses livres d'un métier typique du lieu qui l'avait séduite. Elles était en reportage quand elle a eu le coup de foudre pour Roscoff. « L'aventure des Johnnies s'est imposée à moi car elle a rarement été traitée sous forme de roman. Le thème de l'identité est universel, et puis j'aime bien la période d'avant la guerre de 14, car on va vers un monde qui va changer irrémédiablement » explique-t-elle.

La romancière situe l'action à partir de 1905. Jeanne l'obstinée, qui ne peut pas croire que son père est mort noyé dans le naufrage du vapeur l'Hilda à Saint-Malo (un fait véridique), s'en va à sa recherche de l'autre côté de la Manche. Pour mener à bien son enquête, l'adolescente apprend le métier sur le tas. « En réalité, très peu de femmes, surnommées Jenny en Angleterre, ont exercé cette profession », note Véronique Gonçalves, responsable de la Maison des Johnnies et de l'oignon rosé à Roscoff. Le personnage de Jeanne s'est imposé naturellement pour Nathalie de Broc. « On part à l'aventure sans savoir et les choses s'installent comme elles l'entendent. Je ne compte plus le nombre de fois où mes personnages m'ont réveillé la nuit en me tapant sur l'épaule pour me dire : descends vite ! Le stylo est entraîné et on ne doit surtout pas résister ».

Le livre se dévore à la manière d'un conte. Le ton est toujours juste et les individus attachants. Nathalie de Broc ne s'en cache pas, en épluchant l'histoire des oignons de Roscoff, elle a pleuré face à certaines situations ! « Je me sentais vraiment dans la tête de Jeanne quand j'ai écrit le livre. J'étais aussi obstinée qu'elle, à ne pas vouloir admettre la mort de son père ».

Force de caractère, mais aussi grande sensibilité et extrême gentillesse : pour Jean Failler, « Nathalie de Broc ne doit pas prendre à coeur les méchancetés dont on ne manque pas d'être abreuvé dès qu'on rencontre le succès. Heureusement que les gens issus de familles de marins refont toujours surface ! Elle devra garder en tête le conseil de Georges Bernanos : Méfiez-vous des ratés, ils ne vous rateront pas ». La romancière a une arme redoutable pour convaincre : son sourire.

 

«La tresse de Jeanne » est publié aux Presses de la Cité (18,90 €).

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« Onions, do you want onions ? »

Importés à Roscoff par un moine capucin, les oignons rosés démarrent leur carrière en Angleterre en 1828, lorsqu'un paysan de la commune, Henri Ollivier, décide d'en remplir sa gabarre pour aller les vendre. D'autres suivent, bérets vissés sur le front et bottes d'oignons à l'épaule. Ils sont surnommés « Johnnies » (« Petit Jean ») en raison de leur âge car certains n'ont qu'une dizaine d'années. Au début, le commerce s'effectue à pied, à travers la campagne, puis en vélo après la première guerre mondiale. 1929 est une année faste pour les Johnnies, puisqu'ils sont environ 1 400 à frapper aux portes des familles anglaises. « Aujourd'hui, ils ne sont plus que dix-huit et le plus jeune a vingt-sept ans, indique Véronique Gonçalves, de la Maison des Johnnies à Roscoff. Ils partent en camionnette, mais ont toujours leur vélo à l'intérieur. Ils dépendent d'une compagnie installée à Cardiff mais n'ont ni statut, ni couverture sociale ». La centaine de producteurs d'oignons rosés se bat pour qu'il obtienne l'Appellation d'Origine Contrôlée. L'année 2008 pourrait être la bonne car on en produit quand même près de quatre mille tonnes autour de Roscoff.


La fête de l'oignon rosé se tiendra les 18 et 19 août 2007 sur le port.


Christophe Pluchon

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G
Cette histoire est-elle aussi mouvementée qu'une course à l'échalotte ?Félicitations pour la présentation fort documentée.
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