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Paysages Bretons : photographies, portraits de Breton(ne)s, littérature et multimédia

Marin Lhopiteau : luthier exigeant à Quimper

21 Juin 2010 , Rédigé par Christophe Pluchon Publié dans #Ils font l'actualité... parfois dans leur coin

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Harpiste de talent dans le groupe Dremmwel, Marin Lhopiteau est aussi un luthier réputé. Les instruments qu'il conçoit depuis 1988 à Quimper ont séduit des artistes comme Cécile Corbel, Elisa Vellia et Cristine.

 

Ecouter l'interview diffusée sur RCF Rivages :

 

 

Début juin, Cécile Corbel a fait visiter l'atelier de Marin Lhopiteau à une équipe de la télévision japonaise. Faut-il le rappeler ? La harpiste de Pont-Croix interprète la bande originale du film d'animation « Karigurashi no Arrietty » (« Arrietty la Chapardeuse », en français) du Studio Ghibli dont la sortie est prévue pour cet été. Les journalistes du pays du Soleil Levant ne se sont pas fait prier pour venir filmer son univers, dans notre bout du monde à nous. C'est sur une harpe fabriquée par Marin Lhopitaux que la jeune artiste a écrit toutes ses chansons. A vrai dire, elle en possède deux, l'une qui l'accompagne sur les routes, et l'autre qui l'attend sagement à la maison et qu'elle utilise en studio. Cécile Corbel ne tarit pas d'éloges sur la qualité du travail de Marin l'Hopiteau. « J'ai essayé pas mal de harpes mais je n'ai pas trouvé d'instrument qui me corresponde aussi bien » dit-elle.

C'est par hasard que le luthier quimpérois découvre cet instrument. « J'avais commencé à fabriquer pour le plaisir des bouzoukis et des épinettes des Vosges, explique-t-il. Un jour, un ami dont la femme était harpiste m'a demandé d'essayer de lui faire une harpe. J'ai bien aimé et j'ai continué dans cette voie. Cela fait 22 ans que ça dure ». Marin Lhopiteau estime avoir réalisé environ deux cents harpes à raison de neuf exemplaires par an. Ses clients, tant amateurs que professionnels, doivent patienter deux années avant de pouvoir profiter de leur bel objet. Le luthier en propose deux types, l'un de 32 cordes, et l'autre de 34 ou 36 cordes. La différence de prix n'est pas énorme puisque les harpes sont commercialisées aux alentours de 3 000 euros. « Les deux modèles sont intéressants pour débuter dans la musique. Le plus cher a une meilleure qualité sonore et il est un peu plus grand » confie le luthier. Marin Lhopiteau avoue toutefois ne pas pouvoir répondre aux désirs de ses clients qui demandent à changer le rendu acoustique de leur futur instrument. « J'ai mon idéal de son, et j'essaie de m'en approcher. C'est indéfinissable en parlant. C'est pour cela que je ne peux pas produire une harpe qui aura le son souhaité par une personne ». Les seuls éléments qu'il accepte d'adapter car ils ne nuisent pas à la musicalité sont la forme du pilier (la partie frontale) et les ornementations. « A la demande, je peux ajouter des sculptures selon des dessins fournis par le client » dit-il. La chanteuse (et harpiste) finistérienne Cristine se souvient d'avoir eu le coup de coeur, pour « la forme ronde et généreuse, la colonne très courbée et cuivrée » des harpes de Marin Lhopiteau. « Je lui ai commandé une première harpe en 1992, et avec elle j'ai obtenu un Prix de Conservatoire et le Prix Carolan. Je me souviens que les membres du jury au Conservatoire de Vincennes l'avaient beaucoup admirée, reconnaissant (enfin) que la harpe celtique n'étaient pas un instrument d'étude, mais un instrument à part entière » dit-elle. Cécile Corbel, pour sa part, estime que les harpes de Marin Lhopiteau ont « une sonorité pleine et très affirmée. Les basses sont puissantes et les aigus bien présents ». Pour elle, le côté esthétique revêt une importance aussi grande que la couleur des sons. « On sent le travail sur le bois, le temps passé... En plus de son talent d'artisan-luthier, Marin a un vrai talent de sculpteur. Ses harpes sont vraiment uniques, presque vivantes. Elles sont très sensuelles, et féminines par leur forme et l'imaginaire qui y est relié ». Cristine va plus loin dans la démonstration : « La harpe est féminine parce que les sons sont transparents et aériens. Mais beaucoup d'hommes jouent de la harpe : Myrdhin, Alan Stivell, Dominig Bouchaud ou Ismaël Ledesma. Elle a quelque chose d'assez phallique, il me semble. Elle tient à la fois du glaive et du bouclier. Dans la mythologie irlandaise, la harpe devient une arme terrible, capable de tuer une assemblée toute entière... ça c'est masculin ! » dit-elle.

Marin Lhopiteau utilise le merisier comme matière première pour ses harpes, en raison de la grande résistance de ce bois à la traction. « On peut aussi prendre du frêne ou de l'érable mais mon vendeur ne me donne pas le choix » explique le luthier. Pour la table de résonance, qui est la partie la plus importante de la harpe puisque c'est elle qui transmet les vibrations, c'est un résineux, l'épicéa, qui est privilégié. Acheté « frais de sciage » et « coupé au bon moment en fonction des montées de sève », le bois est stocké pendant plusieurs années en extérieur, sous abri, le temps que cette sève soit complètement sèche. Quant aux cordes, elles sont réalisées en métal filé, en nylon et dans un alliage que l'on appelle faussement, selon Marin Lhopiteau, « fibre de carbone ». Ensuite, tout est affaire de réglage, entre la longueur vibrante des cordes et la table de résonance. La durée de vie d'une harpe, aussi bien conçue soit-elle, n''excède pas cinquante ans, en raison des tensions exercées sur ses différentes parties.

Tout luthier qui se respecte dispose dans son atelier de dizaines d'outils, les mêmes que ceux dont on se sert en ébénisterie. Marin Lhopiteau a aussi été contraint, pour les sculptures notamment, d'investir dans des scalpels de chirurgien et d'affuter des rayons de vélo. « Ca vaut le coup de perdre quelques heures à fabriquer ce genre d'outil avec ce qu'on peut récupérer à droite et à gauche. Je donne toutes sortes de formes à ces pièces d'acier, pointue, triangulaire, pour aller plus facilement dans les coins » dit-il. L'artisan possède aussi d'une dégauchisseuse et une scie à ruban... Bref, il a l'appareillage nécessaire pour donner vie à des instruments formidables et uniques. « Par rapport à il y a 300 ans, les machines sont d'une grande aide. Avec l'informatique, on peut aussi mettre les dessins à l'échelle et juger de la vibration d'une table de résonance ».

Marin Lhopiteau n'est pas à proprement parler un touche-à-tout. Si, à la demande de ses clients, il installe de petits micros sur les harpes afin qu'elles puissent être utilisées sur scène, il n'est pas question pour lui de se lancer dans la production « en série » de modèles électriques. Chacun son métier ! Ceux-ci sont pourtant appréciés des musiciens à la recherche d'un univers moins traditionnel. « J'ai fait une harpe électrique pour mon fils, qui joue dans le groupe Plantec, confie le luthier. Mais cette configuration n'est pas très intéressante, parce qu'il n'y a pas d'acoustique, juste des cordes et un cadre résistant ».

Ce n'est pas par militantisme, par volonté de défendre une région ou un peuple au plan culturel que Marin Lhopiteau s'est lancé dans la fabrication de harpes celtiques. Ce n'est pas non plus par passion « exclusive » pour cet instrument. De son point de vue, « il n'y a pas d'instrument plus noble qu'un autre. La harpe est avant tout un outil au service de la musique même si c'est vrai qu'il est agréable de ressentir les vibrations dans son corps ». Le luthier dit aimer aussi bien la flûte et la bombarde, et puis le violon, dont il exploite particulièrement bien les possibilités dans le groupe Dremmwel, en plus de la harpe.

Marin Lhopiteau aime le travail bien fait. « C'est une belle âme, un passionné de son métier, un perfectionniste » glisse Cristine, résolument admirative.


Contact : 02.98.95.82.47 ou marin.lhopiteau@orange.fr


Christophe Pluchon

 


Ecouter l'interview diffusée sur RCF Rivages :

 

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